Optimisation fiscale: 6 raisons de considérer le régime de retraite individuel

La réforme fiscale du ministre Bill Morneau en vigueur depuis le 1er janvier 2018 fait grogner bien des joueurs du Canada Inc. La nouvelle réglementation adressant, entre autres, le revenu passif et les possibilités de fractionnement du revenu entre conjoints force les professionnels de la fiscalité à revoir les stratégies qu’ils privilégieront pour leurs clients. Les propriétaires d’entreprise et professionnels incorporés de plus de 40 ans se voient particulièrement visés par ces nouvelles règles. Dans un contexte d’optimisation fiscale entourant la planification de la retraite, il est tout avisé de considérer l’intégration d’un régime de retraite individuel au patrimoine financier de cette clientèle.   

Le régime de retraite individuel, ou RRI, est un régime de retraite à prestations déterminées enregistré auprès de l’Agence du revenu du Canada. Il est administré et capitalisé par la société du participant. S’il est mis en place au profit d’une personne rattachée, c’est-à-dire une personne détenant au moins 10 % des titres de la société en question, le RRI n’est pas enregistré auprès de Retraite Québec, ce qui a pour effet de désimmobiliser les fonds détenus dans la caisse de retraite. En somme, le RRI peut être considéré comme une version 2.0 du régime enregistré d’épargne-retraite, où les contributions sont déterminées selon les normes actuarielles en vigueur au Canada.

L’attrait principal de ces régimes provient du fait qu’à partir de l’âge de 40 ans du participant, les contributions autorisées au RRI deviennent plus élevées que le plafond des REER. Le RRI se voit donc être le véhicule d’épargne-retraite le plus généreux. Heureusement, les RRI offrent plusieurs autres avantages qui seront explorés dans cet article. Une brève étude de cas suivra afin de les illustrer et de les quantifier.

Le RRI se voit donc être le véhicule d’épargne-retraite le plus généreux.

1. Un véhicule d’épargne-retraite plus généreux

 

 

Comme il a été mentionné plus tôt, les contributions au RRI excéderont le plafond des REER à partir des 40 ans du participant, ce qui se traduit par des possibilités de report d’impôt plus importantes que ce que le REER peut offrir. De plus, il est possible de cotiser pour toute année précédant la mise en place du régime où un revenu d’emploi (T4 ou T4PS) aura été versé par l’entremise d’un rachat de service passé.

Ces contributions permettent à la société parrainant le régime de bénéficier, au moment où elles sont effectuées, de déductions fiscales considérables, spécialement si des années de service passé sont rachetées. Au final, ces déductions supplémentaires génèrent, au fil du temps, du capital-retraite n’ayant autrement pas été créé sans la mise en place d’un RRI.

2. Économies au niveau des contributions au Fonds des services de santé

De façon général, les contributions annuelles au RRI, dès sa mise en place, viendront remplacer les contributions au REER du participant. Puisqu’elles sont effectuées directement de la société, le participant n’a pas à se verser de salaire pour réaliser cette transaction, ce qui résulte en une diminution de la masse salariale de l’entreprise. Les contributions au FSS seront donc réduites annuellement.  

Prenons le cas d’une professionnelle incorporée se versant un salaire annuel de 180 000 $. Suite à la mise en place de son RRI, les contributions à son REER seront remplacées par les contributions au RRI effectuées directement de sa société. Elle n’aura plus à se verser de salaire équivalent à la contribution au REER qu’elle aurait autrement effectuée. La masse salariale de sa société est donc réduite, ce qui génère une économie annuelle de 600 $ (i.e. 2,3 % * 26 230 $).

3. Déduction des honoraires de gestion

Sans grande surprise, les honoraires de mise en place et d’administration du RRI sont déductibles pour la société. Ce qui est intéressant est que les honoraires de gestion de la caisse de retraite, c’est-à-dire les frais de conseils financiers, sont également déductibles.

Cela procure au RRI un avantage supplémentaire en comparaison avec le REER, où les frais de conseils financiers ne sont pas déductibles. Cet avantage est d’autant plus important lorsque des années de service passé sont rachetées, puisque dans tels cas, un transfert du REER du participant vers la caisse de retraite est requis. Le rachat de service passé permet donc de convertir une portion du REER où les frais de conseils financiers ne sont pas déductibles vers un véhicule d’épargne le permettant.  

4. Optimisation en matière de fractionnement du revenu

La nouvelle réglementation du ministre Morneau empêche désormais plusieurs entrepreneurs et professionnels incorporés de fractionner, entre les membres d’une même famille, le revenu qu’ils touchent de leur société au moyen de dividendes. Puisque le RRI est, par définition, un régime de pension agréé (RPA), toute prestation perçue en vertu de ce régime est fractionnable entre conjoints. Cet avantage devient fort intéressant lorsque seulement un des deux conjoints participe activement à l’exploitation d’une société.

De plus, le RRI se voit un véhicule d’épargne optimal en termes de fractionnement du revenu pour ceux et celles qui désirent prendre leur retraite avant 65 ans. En effet, le revenu touché d’un REER ou d’un FERR n’est pas fractionnable avant cet âge, contrairement au revenu touché d’un RRI, l’étant peu importe le moment de la retraite.

5. Purification de l’entreprise aux fins de l’exonération du gain en capital

Tout entrepreneur souhaitant transférer (vendre) les actions de sa société doit purifier les comptes de son entreprise afin de pouvoir profiter de l’exonération du gain en capital. En 2018, cet avantage se chiffre à 848 252 $. Les exigences relatives pour s’en prévaloir sont:

  • Plus de 50 % des éléments d’actifs de la société doivent servir à son exploitation dans les 24 mois précédant sa vente;
  • Au moins 90 % des éléments d’actifs de la société doivent servir à son exploitation au moment de sa vente.

Puisque la caisse de retraite forme un patrimoine distinct, les contributions au RRI permettent de purifier l’entreprise en vue d’une vente future. Il va sans dire que plus le nombre d’années de service passé rachetées est élevé, plus l’effet de purification de l’entreprise s’accroît.

6. Tarification avantageuse

Malgré les avantages indéniables des régimes de retraite individuels, leurs coûts demeurent élevés. Encore aujourd’hui, les honoraires pour services actuariels peuvent atteindre 4 000 $ à la mise en place, 1 500 $ pour chaque évaluation triennale subséquente et 1 000 $ à 2 000 $ en frais d’administration annuels de régime.

Heureusement, quelques cabinets offrent ces services à des taux plus avantageux. Il est également possible de diminuer la facture en transigeant avec un actuaire qui s’occupera à la fois de la mise en place du régime et de la gestion de la caisse de retraite.

Il est également possible de diminuer la facture en transigeant avec un actuaire qui s’occupera à la fois de la mise en place du régime et de la gestion de la caisse de retraite.

Étude de cas

Voici l’étude de cas d’un entrepreneur de 55 ans, à son compte (incorporé) depuis 1997. Son salaire annuel était alors de 144 000 $, et augmenta de façon graduelle pour atteindre 224 000 $ en 2018. La valeur de son REER s’établit à 742 000 $, et monsieur possède 20 000 $ en droits de cotisation au REER inutilisés.

La mise en place d’un RRI, en rachetant toutes les années de service passé entre 1997 et 2017, donne les résultats suivants:

  • Les contributions au RRI lors des trois prochaines années seront de 34 921 $, 37 540 $ et 40 355 $. Les contributions suivantes seront déterminées lors de la prochaine évaluation actuarielle.
  • Un transfert de 515 000 $ du REER de monsieur à la caisse de retraite sera requis.   
  • La société de monsieur peut ensuite effectuer une contribution unique de 219 000 $, représentant le déficit actuariel à la mise en place. Ce montant est évidemment déductible d’impôt.

Nous pouvons maintenant comptabiliser les avantages du RRI au 65 ans du participant.

  1. Économies fiscales provenant des contributions: 101 700 $
  2. Économies aux FSS: 7 800 $
  3. Économies fiscales dû aux déductions des honoraires de gestion: 31 500 $

Ces économies permettent de générer un rendement additionnel puisque qu’elles demeurent investies soit dans la caisse de retraite ou dans le compte corporatif de l’entrepreneur. Au 65 ans de celui-ci, le RRI procurera, au minimum, un avantage net (après impôt) de 65 000 $ par rapport à une planification de retraite sans RRI. Cet avantage augmentera plus l’horizon de décaissement s’allonge, ce qui repousse le moment où l’impôt devra être payé.

Nous pouvons conclure que le RRI est un outil puissant dans un contexte d’optimisation du patrimoine financier des professionnels incorporés et propriétaires d’entreprise. La considération du RRI devrait être naturelle dans toute planification financière de ces investisseurs.

Jean-Philippe Bernier

(514) 699-2731

jpbernier@rri-ipp.ca

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